Michel Delpech.
Pour ceux qui ont passé la cinquantaine, il incarna
mieux que quiconque la bande son de la France
gaullo-pompidolo-giscardienne ; bref, celle d’avant le 10 mai 1981.
Avec un indéniable instinct, il sut en accompagner,
voire en précéder les mutations sociologiques.
Avec « Inventaire 66 », c’était la
lassitude de la présidence gaullienne, d’une société en noir et gris, alors
qu’une autre jeunesse rêvait d’un monde en couleurs : Mai 68 n’était pas
loin, Wooodstock non plus.
D’ailleurs, quelques mois plus tard, il interprète
encore « Wight is Wight », hommage au festival éponyme, réplique
anglaise du Woodstock américain.
Autre chanson symbolique, « Les
Divorcés », à laquelle Éric Zemmour consacre de longs paragraphes dans son
Suicide français.
En effet, c’est la première fois qu’un artiste de
variétés évoque un sujet encore tabou, alors exception qui n’allait pas tarder
à devenir norme quasi dominante.
Le texte est sublimement écrit mais, note Zemmour,
donne cette vision singulièrement irénique de la chose, ambiance, le divorce,
finalement, n’est pas si grave.
Et les familles recomposées, ça peut être
tellement cool…
La vérité, c’est que Michel Delpech venait alors de
se séparer de la mère de ses enfants, et que ce divorce avait été pour lui des
plus douloureux.
En 1974, avec « Le Chasseur », il signe
une autre chanson emblématique, anticipant la vague verte, même s’il s’agit là
d’une écologie à tel point enracinée dans le terroir qu’elle lui vaudra d’être
sacré, en 1979, « chanteur favori des chasseurs français », avant de
se faire offrir, en 1981, la coupe du journal Le Chasseur français.
Son plus grand succès, qui donnera son titre au film de Xavier Giannoli, c’est évidemment « Quand j’étais chanteur », en 1975.
Cette chanson qui met en scène un chanteur
vieillissant : « Ma pauvre Cécile, j’ai soixante-treize ans. […] J’ai
appris que Mick Jagger était mort dernièrement. […]
J’avais une vie de dingue
quand j’étais chanteur ! »
Ce titre annonce ce que deviendra la vie de Michel
Delpech dans les années soixante-dix : succès à la pelle, argent qui coule
à flots, filles qui se bousculent, alcool et substances diverses.
Puis la dépression, et une quête spirituelle qui,
du bouddhisme, l’amènera peu à peu à un catholicisme empreint de mysticisme.
Ainsi est-il influencé par la lecture du philosophe
catholique de tradition Gustave Thibon, qu’il a l’occasion de longuement
rencontrer à plusieurs reprises.
C’est donc dans la lecture, le recueillement et la
prière que Michel Delpech trouvera enfin la paix de l’esprit, jusqu’à ce que ce
vilain crabe ne vienne se mêler de la partie.
Ainsi nous a quittés celui qui incarnait le
chanteur populaire français par excellence, soucieux de la beauté des mots et
des mélodies.
Frondeur aussi, tel qu’en ont témoigné plusieurs de
ses passages à Radio Courtoisie, média pas tout à fait politiquement
correct, on en conviendra.
Nicolas Gauthier via Bld
Voltaire
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