Je suis surpris, depuis plusieurs années, que
Patrick Sébastien, saltimbanque à l’ancienne, suspect de conservatisme, fasse
encore partie du paysage audiovisuel français.
Il n’y avait pas que notre bon Président à la
télévision le 31 décembre au soir.
Chaque année, plus ça change, moins ça
change : après les vœux sous-préfectoraux de notre ventripotent
commissaire politique, nous avions le choix entre TF1 et France 2,
entre Arthur et Patrick Sébastien. N’était-il pas métaphorique à plus d’un
titre, ce match au sommet ?
D’un côté, la télévision privée, les
célébrités du jour, l’amusement à paillettes sous la houlette d’Arthur, qu’on
ne présente plus ; de l’autre côté, la télévision publique, les jongleurs
et les magiciens et, aux manettes, rigolant de table en table dans son costume
bleu électrique,
l’inoxydable « humaniste » qui est au cabaret ce que
Depardieu est au cinéma ou ce que Jean-Pierre Pernaut est à l’information.
Je suis surpris, depuis plusieurs années, que
Patrick Sébastien, saltimbanque à l’ancienne, suspect de conservatisme, fasse
encore partie du paysage audiovisuel français, qui plus est sur le service
public.
Pourtant, il n’est pas vraiment dans les clous du cahier des charges.
Il n’a pas sa carte au PS : il ne peut donc pas officier sur France
Inter.
Il n’est pas fin connaisseur de Schönberg ni de romans finnois
des années 50 : exit France Culture et France Musique.
Il ne tourne ni téléfilms bien-pensants,ni émissions pour retraités, ce qui lui ferme les portes de
France 3.
Il n’est pas germaniste et ne
s’intéresse pas aux films en noir et blanc qui évoquent l’inceste dans des
familles de prolétaires scandinaves drogués, donc pas d’Arte pour lui.
Et, outre son physique désespérément métropolitain, il réalise des parts de
marché supérieures à 0,5 %, deux bonnes raisons de ne pas être sur France
Ô.
En parlant de cela, il a gagné le duel contre Arthur le 31 décembre,
alors même que TF1 avait sorti l’artillerie lourde.
Les Français, qui
décidément ont la tête dure, ont préféré les prouesses des artistes aux blagues
poussives des amuseurs du jour.
Une anecdote, aussi allégorique que le combat
contre Arthur, me revient en mémoire : dans un documentaire sur lui,
diffusé sur une chaîne publique il y a quelques années, son intervieweur – un
snobinard obèse travaillant pour Les Inrocks – lui confiait, à
mi-parcours de l’entretien, et après avoir vomi sur sa vulgarité plébéienne
pendant des années dans les colonnes de son torchon
« C’est
terrible, parce que plus on avance dans cet entretien, et plus je vous trouve
sympathique. »
Bah ouais, bonhomme. Il est comme ça, Patoche.
C’est
terrible, mais malgré des années de « Plus belle la vie » et de fêtes
du vivrensemble, les gens préfèrent le cabaret provincial ; tout comme ils
préfèrent les documentaires sur Marie-Antoinette aux panthéonisations et
« Des racines et des ailes » à La Haine. « Décidément,
prophétisait Laurent Joffrin dans L’Obs en 2001, la vie de l’homme de
gauche est devenue difficile.
Ce n’est plus la droite qui est réactionnaire,
c’est la réalité. » Pourvu que ça dure, la belle aventure…
Arnaud Florac via Bld Voltaire
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