J’ai atteint un tel niveau d’exaspération politique que j’ai l’impression d’être au bord du burn out.
Chaque jour je prends directement dans le ventre la honteuse réalité.
Je vis dans un pays malade de
partout, avec à sa tête des petits français, élus par la magie de tous nos
renoncements, assis sur leurs privilèges, vidant les caisses à tour de rôle et
à tours de bras sous nos yeux ébahis, se moquant allègrement de nos conversations
et de nos avis, s’octroyant des primes, des salaires, des taux, des toits et
des avantages généreux, inventant des lois scélérates sous la panique, chantant
la Marseillaise au Congrès de Versailles, la larme à l’œil entre deux mises en
examen, désertant leur poste à l’Assemblée, démissionnant de leurs ministères
pour retrouver leur mairie, profitant de leur poste, les yeux dans les yeux,
pour placer l’oseille au frais, écrivant des livres de promesses malodorantes,
courant de plateaux en plateaux pour déverser leurs éléments de langage, vidant
le langage de tous ses éléments, bafouant la vérité au profit du profit,
mentant le mardi pour se repentir le jeudi et se représenter le dimanche, la
gueule enfarinée, rasant gratis et sans état d’âme, bénis par leurs camarades
de promotion, coudes à coudes, soudés, calés dans les dorures, au son de la
trompette républicaine lustrée par notre impôt massif et note dette souveraine.
J’ai la nausée, elle est là et elle ne me quitte plus, elle s’intensifie.
Je cherche des traces de
l’intérêt général, je ne le trouve pas.
Il a été noyé sous les partis, les syndicats, les associations, les lobbies, les groupes, les intérêts particuliers, les privilèges des uns qui font les bénéfices des autres.
Le blocage est total, les verrous sont rouillés et les flambeurs continuent de parader devant six millions de chômeurs, une école qui se délite, une santé attardée, un indice de bonheur qui s’écroule au 29ème rang derrière le Qatar et une consommation d’anti dépresseurs qui fait le délice de nos laboratoires, eux aussi bien placés dans la course aux bien placés.
Je dégueule ma peine et je
pisse dans un violon.
Comme vous.
Français impuissant à qui l’on
fait croire tous les cinq ans qu’ils ont leur destin en main, comme des veaux
qu’on mène à l’abattoir en leur caressant le flanc sous une musique douce pour
faciliter l’anesthésie.
Cinq ans à nous déchirer pendant qu’une petite bande de petits français joue avec nos vies, nos économies, nos rêves de bonheur simple et de paix sociale.
De temps en temps ils nous filent un os à ronger, qui d’un mariage pour tous, qui d’une loi de renseignement, qui d’une déchéance ou d’une indignité, et nous sautons dessus comme prévu, en bons petits soldats.
Ils nous divisent à l’intérieur
de nos familles, à l’heure où nous devrions plus que jamais nous aimer.
Je suis écœuré et perdu, silencieux, tétanisé par le sentiment d’impuissance.
Je suis écœuré et perdu, silencieux, tétanisé par le sentiment d’impuissance.
Les gens comme moi
n’appartiennent à aucun intérêt particulier, hors celui de vivre bien ensemble,
sans se déchirer, sans se méfier les uns des autres, tranquillement vivants
sans faire de vague. Mais ça ne se passe plus comme ça…
Cet hiver, l’un des nôtres est mort à trois cents mètres de l’Elysée.
Je dis bien l’un des nôtres.
Un membre du village, un cousin de cousin, certainement.
On l’a laissé crever comme un
rat aux pieds du Palais.
Sans domicile.
Pendant ce temps-là l’Élu
assistait à des matchs de rugby et commémorait les chrysanthèmes, s’asseyait
sur l’Histoire pour laisser une trace, de frein.
Je n’en veux plus, de
ces simulacres d’un temps passé et révolu.
Je ne veux plus d’un homme qui
dit « moi je », il est temps que nous disions Nous.
Aucune raison morale, technique
et même de bon sens, qu’un seul homme du haut de ses petits arrangements entre amis,
puisse décider d’envoyer le pays dans la guerre, et même de nommer la guerre,
sans que nous, NOUS, ayons dit qu’il le pouvait
Aucune raison de modifier notre constitution sur l’autel de la peur.
Aucune raison de prendre seul des responsabilités plus grandes que lui
Sommes-nous donc fous d’oublier sans cesse, de fermer les yeux, comme ces femmes battues qui voudraient fuir mais ne le peuvent pas, prisonnières d’une peur qui les paralyse
Si peu
de choix entre l’incompétence, la malhonnêteté et la résignation ?
Nous irons bientôt, en 2017,
comme des moutons sous morphine, choisir entre trois personnages, glissant dans
l’urne le nom d’un comédien, maquillé, média-trainé, porté par des intérêts qui
nous sont étrangers.
Le goût des jeux, même sans le
pain, nous donnera quelques temps notre dose d’adrénaline et comblera notre
sens du débat.
Le lendemain, les trois quarts
de la population auront la gueule de bois et retourneront tête baissée vaquer à
leurs espoirs corrompus, jusqu’en 2022.
J’ai perdu le goût de ce
cirque.
Le pays est au bord du burn out
et à la fin de cet article, je ne sais toujours pas ce que je peux et veux faire.
Cercle vicieux et vertigineux.
Ce qui
me fait peur, c’est ma propre résignation et cette colère stérile qui ne fait
qu’engendrer de la colère stérile.
À quel moment la somme de ces colères
pourra-t-elle produire un son commun, un premier pas vers une remise au goût du
jour de notre dignité ?
JEAN NAIMARD
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