La polémique sur les Roms et le débat autour du pacte budgétaire européen
offrent un boulevard médiatique à Marine Le Pen. Pourtant, la présidente du FN
ne s'exprime plus publiquement depuis l'élection présidentielle. Comment
expliquer ce silence ?
Cure d'abstinence médiatique ??
Atlantico : La polémique sur les Roms et le
débat autour du pacte budgétaire européen semblent offrir un "boulevard
médiatique" à Marine Le Pen. Comment expliquer son mutisme ces derniers
temps ?
Sylvain Crépon : Lorsqu’il y a de grandes polémiques sur les
thématiques proches du FN, on se rend compte souvent que le Front national
reste un peu atone. Cela avait été le cas en 2002 en pleine polémique sur
l’insécurité. Le FN était resté silencieux et cela avait étonné tout le monde.
Les
responsables frontistes expliquent toujours la même chose. Premièrement, ces
thématiques sont actives pour le Front national. Il n’y a quasiment
même plus besoin de faire campagne car cela leur sert déjà. S’ils
faisaient campagne sur ces thématiques, cela pourrait les desservir
puisqu’aujourd’hui, que ce soit à l’UMP ou au PS, il existe une sorte
d’unanimité sur cette question de la nécessité du démantèlement des camps de
Roms et de l’expulsion de ces derniers quand ils n’ont pas de papiers.
Si le FN entrait dans la danse, il serait inaudible puisqu’il serait à
l’unisson des discours des grands partis. Et c’est justement ce que le FN déteste
par-dessus tout. Il cherche toujours à affirmer sa singularité. S’il veut se
singulariser, il a tout intérêt à ne pas rentrer dans ce débat.
De plus, sur toutes ces questions
(insécurité, immigration, Roms...), en arrière-plan, dans l’imaginaire, la
figure du FN est toujours présente. La gauche disait que Sarkozy faisait du Le
Pen, maintenant on dit que Manuel Valls fait du Sarkozy et même du
"lepénisme de gauche".
Lors de la rentrée politique du FN,
notamment à l’université d’été prévue à la fin du mois, Marine Le Pen devrait
alors en mettre une petite couche. Mais je ne suis même pas sûr qu’elle insiste
beaucoup là-dessus.
Dans les jours qui suivent, les attaques du Front national devraient donc
plus se concentrer sur les questions de souverainisme et de protectionnisme …
Oui, je
pense que c’est ici que le FN va pouvoir se singulariser. On peut déjà prévoir
que l’UMP et le PS vont abonder dans le sens du traité européen. Le
Front national laisse s’accentuer les dissensions dans chaque camp et ensuite,
il va essayer d’apparaitre comme étant le parti qui s’oppose explicitement au
traité. Il va alors rejouer sa mélodie qu’on connaît par cœur, celle
du défenseur des "petites gens" qui s’oppose à la financiarisation et
à l’Europe de Bruxelles.
D’autres partis, comme le Front de
gauche, vont faire de même, mais ils n’ont pas le même poids électoral que le
FN.
Marine Le Pen ne devrait donc pas rejouer "la bataille des
fronts" en axant ses critiques sur le parti et la personnalité de Jean-Luc
Mélenchon ?
Elle devrait effectivement ignorer
le Front de gauche. Se confronter à Jean-Luc Mélenchon reviendrait à se mettre
à sa hauteur.
Marine Le
Pen prétend prendre le pouvoir. Elle devrait alors se concentrer sur les grands
partis que sont l’UMP et le PS. Elle va chercher à être le premier
opposant du gouvernement. Une stratégie double : attaquer le gouvernement
et son premier opposant.
Concernant l’UMP, elle devrait tout
de même attendre qu’un candidat à la présidence du parti se démarque.
Marine Le Pen changera-t-elle sa
stratégie en fonction du résultat de l’élection à la présidence de l’UMP ?
Que ce soit l’un ou l’autre, elle appliquera la même stratégie. Dans tous
les cas, je pense qu’il n’y aura pas d’alliance avec le FN. Au niveau national,
cela serait complètement suicidaire pour l’UMP.
Le résultat de l'élection à la présidence de l'UMP jouera sur les
thématiques. Jean-François Copé défendra une ligne "Sarkozy-Buisson"
et chassera davantage sur les terres du Front national. François Fillon, sur la
ligne du gaullisme social, devrait, au contraire, se rapprocher du centre.
Si l’affrontement Copé-Fillon dégénère,
peut-on imaginer qu’une certaine frange de l’UMP se tourne vers le FN ?
Je ne crois pas. Aux législatives, la
moitié de ceux qui appuyaient la ligne Buisson et qui faisaient partie de la
droite populaire n’ont pas été élus au Parlement. La droite populaire
existe au sein de l’UMP, mais le jour où ils se rapprocheront du FN, ils seront
morts politiquement.
Jacques Bompard à Orange a réussi à survivre en naviguant entre FN et
souverainisme de droite mais cela reste un cas isolé et marginal.
(Propos
recueillis par Jean-Benoît Raynaud) :
atlantico.fr
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire