lundi 13 juillet 2020

Le trouble passé de celle qui accuse Darmanin

ParHervé Gattegno (JDD)

Révélations. La femme qui a déposé plainte pour viol contre le ministre des Comptes publics Gérald Darmanin avait été condamnée pour chantage en 2005. Voici le détail de cette affaire oubliée qui entame son crédit.
Gérald Darmanin nie toute implication dans ce dossier et a reçu le soutien du gouvernement.
Gérald Darmanin nie toute implication dans ce dossier et a reçu le soutien du gouvernement. (Reuters)

La femme qui accuse Gérald Darmanin de l’avoir violée en 2009 n’est elle-même pas inconnue de la justice. En 2003 et en 2005, elle a été condamnée pour "chantage", "trouble à la tranquillité d’autrui par appels téléphoniques malveillants réitérés" et "menace de crime" pour avoir persécuté, intimidé et soutiré des sommes d’argent à son ancien compagnon. Loin d’être périphérique à la mise en cause du ministre de l’Action et des Comptes publics, cette condamnation, prononcée par le tribunal correctionnel puis confirmée par la cour d’appel de Paris, y est directement liée.

En effet, l’accusatrice - Sophie Spatz, qui s’appelle en réalité Olga Patterson - assure que c’est en contrepartie d’une intervention de Gérald Darmanin (alors jeune cadre de l’UMP non encore élu) pour effacer de son casier judiciaire cet épisode qu’elle aurait été contrainte de lui accorder ses faveurs. A lire les décisions de justice rendues à son encontre, cette encombrante affaire éclaire d’un jour étrange le comportement de cette ancienne call-girl (elle s’est elle-même présentée ainsi aux journalistes du Monde qui ont publié ses accusations samedi dernier), capable selon les magistrats de pousser à l’extrême la manipulation pour parvenir à ses fins. S’ils ne suffisent pas à discréditer entièrement ses affirmations, les faits mis au jour par ces investigations anciennes et rapportées dans des décisions de justice vieilles de près de quinze ans portent un coup sérieux à la crédibilité de la plaignante.

Des cadeaux, des chèques en blanc et des menaces

Le 8 février 2000, le doyen des juges d’instruction de Paris recevait une plainte avec constitution de partie civile d’un certain François S. pour "chantage". L’homme racontait avoir succombé aux charmes d’Olga Patterson, rencontrée en octobre 1998 "par la voie d’une petite annonce". Cette dernière se prétendait mannequin mais, selon la plainte, "exerçait une activité de call girl" et promettait à son amant de "vouloir rapidement cesser cette activité". "Dans ces conditions, poursuivait la plainte, la liaison prenait un tour passionnel qui conduisait Monsieur S. à présenter Mademoiselle Patterson à sa famille et à lui offrir un manteau de vison." Pour l’aider à rompre avec la prostitution, François S. offrait à sa conquête une première somme d’argent. Le conte de fées allait ensuite tourner au cauchemar.

Selon les termes du jugement, rendu le 16 octobre 2003, le jeune homme allait se trouver "sous l’emprise de la jeune femme" et accepter d’encaisser à sa demande des chèques pour lui remettre les sommes correspondantes en espèces ainsi qu’à un autre homme, Nourredine B., qu’elle lui avait présenté comme "son ex-petit ami". A partir de ce moment, les demandes se sont multipliées, et l’amoureux n’a eu d’autre choix que d’obtempérer, sous la menace d’être "dénoncé comme proxénète". En janvier 2000, relève le jugement, il fut contraint de payer deux voyages aux Antilles à Olga et à Nourredine, qui paraissait dès lors être davantage qu’un "ex". Montant de ce cadeau forcé : 8.368 francs (1.616 euros aujourd'hui), auxquels s’ajoutait la mise à disposition – également contrainte – de sa carte de crédit pour permettre la location d’une voiture, et la remise de deux chèques en blanc, chacun d’un montant de 10.000 francs (1.931 euros).

"Alors qu’il avait décidé de ne plus accéder aux demandes de son amie, relèvent les magistrats, celle-ci a continué à le menacer ainsi que son entourage familial, lui réclamant la somme de 40.000 francs (7.725 euros) pour 'solde de tout compte'." Les juges relèveront en outre qu’Olga Patterson harcela son amant sur son lieu de travail, par de multiples appels téléphoniques menaçants, au point que celui-ci finit par perdre son emploi. Dans le même temps, signalera la cour d’appel, elle appelait "les parents et frères" de l’intéressé pour proférer divers "propos malveillants et menaçants".

Des accusations "établies"
Après la plainte, la jeune femme semble s’être évanouie. Si bien qu’elle ne put jamais être interrogée par la police et que, l’heure du procès venue, elle ne se présenta pas devant le tribunal. Cependant, les témoignages de proches du couple éphémère et de la famille de François S. et l’examen de ses comptes bancaires permirent d’établir la véracité de ses accusations. Aussi Olga Patterson fut elle déclarée coupable et condamnée par défaut à douze mois de prison, "eu égard à la gravité des faits et à la personnalité de l’intéressée".

Un appel a été formé contre cette décision en novembre 2004 mais curieusement, Olga Patterson (désormais épouse Spatz), prétendra par la suite n’avoir pas eu connaissance de ce recours, ni même de l’identité de l’avocat qui l’aurait engagé pour son compte. Un procès en appel a cependant eu lieu le 18 février 2005, cette fois en sa présence. La cour releva alors que les accusations étaient "établies", bien que la jeune femme eut affirmé pour se défendre que son compagnon ayant perdu son emploi, elle avait du subvenir seule aux besoins de leur couple, de sorte qu’elle se serait "limitée à réclamer son dû sans exercer ni menaces ni chantage". La plainte de François S, soutenait-elle, n’était rien d’autre qu’une vengeance après leur rupture.

Un harcèlement constant.

Dans des attendus sévères, la cour d’appel a toutefois estimé qu’il est "peu vraisemblable que François S., très ébranlé nerveusement par la fin de sa liaison avec Olga Patterson, ait saisi le juge d’instruction dans le but de se venger". La décision ajoute : "Il ressort clairement de l’ensemble des témoignages recueillis tant de l’entourage familial et amical de la partie civile que de son entourage professionnel que celle-ci (François S.) a été soumise a un harcèlement constant matérialisé soit par des appels téléphoniques soit par des menaces d’atteinte physique ou de dénonciation, destinés à obtenir la remise de fonds." La Cour l'a condamnée à dix mois de prison avec sursis, avec mise à l'épreuve, interdiction d'entrer en relation avec son ancien compagnon et 15.000 euros de dommages et intérêts.

Les années ont passé et l’accusée est devenue accusatrice. 
Après ses accusations relayées par Le Monde, Gérald Darmanin a démenti formellement les agissements qu’elle lui prête et annoncé le dépôt d’une plainte contre elle pour "dénonciation calomnieuse". 
Le Premier ministre lui a apporté son soutien, ce dont la féministe Caroline de Haas, figure de proue du combat légitime contre les violences sexuelles et pour la libération de la parole des femmes, s’est déclarée "sidérée", dans un texte publié jeudi sur le site Mediapart. Sans doute ne disposait-elle pas des informations contenues dans ce vieux dossier oublié. A lire le détail des condamnations d’Olga Patterson, peut-on réellement considérer que la parole de l’accusatrice a le même poids que celle de l’homme qu’elle a désigné à la vindicte publique - et à la justice?

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