Cher Philippe Martinez,
Je me permettrais presque de vous tutoyer tant ces
derniers jours j'ai l'impression de vivre avec vous.
Je me couche en entendant votre nom, me lève en le
lisant, déjeune en vous regardant…
Impossible d'allumer ma télé, ma radio ou d'ouvrir un
journal sans apercevoir votre drapeau rouge flotter fièrement à côté de pneus
brûlés ou de pancartes anti-patrons, votre moustache désormais célèbre jamais
bien loin non plus.
Il faut dire que les mois qui viennent de passer ont
été riches pour vous!
Vous avez retrouvé toute cette hargne et cette
violence qui sont votre marque de fabrique pour vilipender les chefs
d'entreprise, que vos ouailles ont tour à tour proposé de «virer» ou de
«pendre», pour reprendre les termes d'images largement partagées sur la toile.
Tout ça autour d'une loi Travail qui au final ne
changera grand-chose pour personne, et n'est - soyons francs - qu'une mesurette
sans intérêt (que l'on soit pour ou contre).
Il est loin le temps où vous deviez faire face au
scandale de travaux exorbitants réalisés dans l'appartement de fonction de
votre ex-secrétaire général (viré, soit dit en passant, le 7 janvier 2015, jour
de Charlie Hebdo, bien vu!), ou celui où vous faisiez fermer des
magasins contre l'avis unanime des salariés et des dirigeants qui y
travaillaient.
On oublie même le CDD renouvelé 184 fois à l'une de
vos employées, affaire pourtant bien plus récente. Oui, bien loin tout ça!
Désormais vous bloquez des raffineries, des centrales,
et même des journaux, le tout dans un climat délétère ultra violent, sur fond
de policiers tabassés.
Jamais le gouvernement n'aurait dû attendre aussi tard
dans le quinquennat pour s'attaquer à l'épineux sujet du Code du travail, et il
est évident qu'il peut revoir sa copie niveau approche pédagogique.
Un peu facile, j'en conviens. Mais sincère.
Je pousse la sincérité jusqu'à admettre que je vous
rejoins sur certains points, principalement celui que cette loi a été amenée
n'importe comment.
Jamais le gouvernement n'aurait dû attendre aussi tard
dans le quinquennat pour s'attaquer à l'épineux sujet du Code du travail, et il
est évident qu'il peut revoir sa copie niveau approche pédagogique.
La liste des points discutables est d'ailleurs bien
trop longue pour être exposée de manière exhaustive ici.
J'y inclurais en tout
cas le fait qu'un syndicat qui représente à peine 3% des salariés puisse
occuper et bloquer une zone seveso en plein état d'urgence et en toute
quiétude.
Cher M. Martinez, on me dit souvent d'un optimisme
frôlant dangereusement la naïveté.
Malgré tout, optimiste je ne le suis pas assez pour
espérer vous convaincre que vous faîtes fausse route.
Et pourtant… Combien
j'aimerais vous démontrer que les positions caricaturales qui sont souvent les
vôtres sont d'un autre temps.
Le patronat n'est plus celui que vous racontez, les
entrepreneurs sont si loin de ce portrait détestable que vous montrez aux
jeunes pour leur faire peur.
Le salariat non plus, d'ailleurs, les collaborateurs
des entreprises me paraissant bien intelligents que ce que vous laissez
entendre généralement (mais si, ils sont capables de discuter des accords
d'entreprise, ce sont des adultes responsables!).
Au quotidien, tous ensemble, nous tentons de joindre
les deux bouts, de gagner un peu en visibilité, de répondre à l'attente de
quête de sens qui ne cesse de gagner la société, de trouver des astuces pour
développer le bonheur au travail malgré une perte évidente de pouvoir d'achat
pour tous, d'inventer des pistes de développement...
Cette réalité,
c'est celle des PME.
Celle de 99,9% des entreprises françaises, ces petites
boites qui ont la clé de la relance de l'emploi, puisqu'elles ont créé 80% des
jobs ces vingt dernières années.
J'aimerais vous rappeler, aussi, une énorme évidence
que vous semblez nier : précariser les entreprises revient à précariser tous
ceux qui y travaillent, salariés y compris.
Je ne cherche pas à vous faire pleurer sur mon sort de
chef d'entreprise.
J'ai choisi de l'être, et, malgré toutes les
aberrations de mon quotidien, j'en suis heureux.
Je cherche à vous montrer que le dialogue social n'est
plus celui que vous croyez connaître.
Et qu'il mérite un autre traitement que celui que vous
lui réservez depuis plusieurs jours. J'aimerais vous rappeler, aussi, une
énorme évidence que vous semblez nier: précariser les entreprises revient à
précariser tous ceux qui y travaillent, salariés y compris.
Croyez-moi, j'ai repris une agence au bord du dépôt de
bilan il y a six ans: tout le monde est beaucoup plus heureux dans une
entreprise en bonne santé. J'aimerais enfin que vous ayez conscience du mal que
vous faites quand vous laissez entendre à notre jeunesse que la France c'est le
Bangladesh et que nos entreprises ne veulent pas d'eux.
Cher M. Martinez, vous ne serez évidemment pas
d'accord avec tout ce que je viens de vous écrire et vous enfermerez dans ce
déni d'un monde qui change, restant désespérément fidèle à un mode de pensée
totalement archaïque et dépassé.
Et puis, soyons honnêtes l'un envers l'autre, tout ce
qui se passe vous donne tellement d'importance que vous n'avez pas tellement
envie ni intérêt que les choses s'arrangent.
Il se trouve que je suis un «communicant», pour employer
une expression à la mode, alors je vais vous donner un conseil.
Si vous ne devez retenir qu'une seule chose de ce
courrier, j'aimerais que ce soit celle-ci: nous sommes en 2016, M. Martinez.
Et en 2016, époque formidable, il existe une multitude
d'autres moyens pour faire entendre sa voix que celui que vous avez choisi:
emmerder le monde, absolument tout le monde.
M. Martinez, personne ne sortira ni gagnant ni grandi
du climat social catastrophique dans lequel vous plongez le pays. Personne,
même pas vous.
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